Oui j’ai peur de rien je mets même pas de point d’interrogation, genre c’est MA PROPHÉTIE…
Chuuut n’en parlons pas…
Je vois bien depuis deux ans de subtils changements silencieux.
Je discute en DM avec d'autres créatrices de contenu ou créatrices tout court qui me confient que leurs stats sont à la rue et qu'elles sont désespérées.
Mais personne n'ose en parler pour ne pas effrayer les annonceurs ou de faire fuir leurs client·es.
J'en vois d'autres qui comme moi se livrent à un lent mais sûr suicide d'influenceurs en parlant de tout et n'importe quoi, en disparaissant régulièrement, en étant plus mesurées et prudentes dans leurs publications…
…prédisant la fin de l’influence.
Notez avant de lire la suite que quand Google a lancé Gmail je me suis esclaffée “haha bon courage pour détrôner hotmail” et la première fois que j’ai vu un téléphone qui prenait une photo je me suis dit “pffff ça marchera jamais” (donne moi ton âge sans me dire ton âge).
Bon c’est vieux, j’ai par contre tout de suite refusé de m’investir dans Tik Tok quand j’ai vu que c’était chinois, comme quoi depuis, j’ai gagné du nez.
Vous êtes prévenues.
Les nouveaux algorithmes qui décident à notre place
Vous les entendez tous râler les "influenceurs", les créateurs de contenus et les petits business que l'algorithme est devenu assassin ces deux dernières années.
En réalité il y a plusieurs algorithmes qui décident si oui ou non le contenu qu'on propose va intéresser les gens, et son mètre étalon ce sont les interactions.
Sur Internet les sites pullulent de conseils pour "how to beat the instagram algorithm" et on sait tous ce qui nourrira ce monstre : des likes, des réponses par DM, des commentaires.
De l’interaction : l’algorithme veut des interactions.
Parce que ces interactions c'est le moteur de notre addiction sur les réseaux sociaux.
“Social media platforms drive surges of dopamine to the brain to keep consumers coming back over and over again. The shares, likes and comments on these platforms trigger the brain’s reward center, resulting in a high similar to the one people feel when gambling or using drugs.”
«Les plateformes de médias sociaux créent chez nous des pics de dopamine dans le cerveau qui incitent les consommateurs à revenir encore et encore. Les partages, les likes et les commentaires sur ces plateformes déclenchent le centre de récompense du cerveau, entraînant un trip similaire à celui que les gens ressentent lorsqu'ils jouent ou consomment de la drogue".
On le sait, ce n'est pas nouveau, on en parle depuis 6 ou 7 ans maintenant.
La dictature du format vidéo courte - mère de l'addiction
Mais l'arrivée de tik tok et son succès fulgurant basé sur la vidéo courte et un algorithme très spécial n'a fait qu'accentuer tout ça : les plateformes comme instagram, facebook et twitter réclament avant tout soit des vidéos sur lesquelles les followers sont passifs mais sont si hypnotisés qu’ils lancent la suivante, soit de l'engagement sur les autres supports sous peine d'envoyer votre contenu aux oubliettes.
Ce qui nous pousse, si on ne crée pas de réels à tous à créer du contenu qui fait réagir : plus de vie privée, des photos de nos enfants, ou alors des discours extrêmes et polarisant (les rois des contenus pour générer de l'interaction).
Nos stories ou nos posts feed doivent être calibrés pour faire réagir.
Sinon il faut passer au réel.
Entre les deux point de salut
Le succès phénoménal de TikTok a conduit Meta et Google à s’engager dans la bataille des formats courts sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs − notamment les jeunes − raffolent de ces vidéos, au point qu’un risque d’addiction, voire d’abrutissement, est régulièrement pointé.
(...)
Sur les vidéos courtes, les fonctions sociales − liker, partager, commenter − sont « reléguées dans un coin de l’écran, note Océane Herrero. Cela favorise un usage “passif” ».
De TikTok à Instagram, le triomphe controversé de la vidéo courte - Le Monde
Pour vous donner une vague idée malgré mes 53.500 followers sur Instagram quand je fais une story, si elle est trop longue ou ne génère pas assez d'interactions ou de réactions dès la première slide elle est montrée à 2.000 personnes grand max.
Soit 3,7% de mes abonnés.
Quand je fais un réel je suis plus facilement "récompensée" avec entre 13.000 et 33.000 vues soit entre 22% et 57% de mes abonnés.
(Pour vous donner une info comparative, ma newsletter a 4.500 abonnés, qui est ouverte par en moyenne 3.000 personnes soit 67% de mes abonnés.)
Vous n'avez pas idée de la tristesse qui m'envahit quand je vois tous ces créateurs de contenus et ces artisans, petits créateurs et artistes, se débattre à faire des réels alors que leur contenu s'y prête peu.
Je sais le temps que ça leur prend et combien ça grignote sur leur temps passé à faire leur vrai métier.
Ou le budget que ça leur coûte s'ils font appel à quelqu'un.
Et l'énergie que ça prend de s'adapter en permanence à des médias sociaux dont les règles du jeu changent tous les 2 mois.
Et puis quand bien même on se plie à la nouvelle règle et on fait des réels...
Tous influenceurs = la fin de l'influenceur
Ce changement sur Instagram à une autre conséquence majeure que celle de nous obliger à créer du contenu calibré pour réagir si on joue le jeu ou de déprimer sérieusement quand on voit nos posts partir aux oubliettes faute de réactions suffisantes, suffisamment rapidement si on ne joue pas le jeu.
La conséquence majeure c'est que bientôt on sera tous influenceurs.
C'est déjà le cas sur Tik Tok : si quelqu’un crée un post générant beaucoup d'interactions dès qu'il est posté, il peut voir son nombre de vues s'envoler, peu importe le nombre d'abonnés.
C'est en train de devenir la norme partout, sur tous les médias sociaux.
Demain, peu importe notre nombre d'abonnés, ce sont les réactions qui feront des posts un succès ou un échec.
(Je dis demain mais on y est presque.)
L'avance qu'ont les influenceurs avec leur nombre d'abonnés ne servira bientôt plus à grand chose.
Il y a un basculement de l’architecture des réseaux : construits sur une logique « sociale », ces derniers se convertissent à la recommandation. « Facebook et Instagram pivotent d’une organisation centrée sur les gens et les comptes auxquels vous êtes abonnés vers un système où on vous montre progressivement davantage de contenu pertinent recommandé par nos algorithmes », a théorisé Mark Zuckerberg le 1er février. De 15 % en 2022, la part des contenus recommandés « passera peut-être à 30 %-40 % » fin 2023 et « continuera de croître », a-t-il prédit.
De TikTok à Instagram, le triomphe controversé de la vidéo courte - Le monde
Droit dans le mur ou au delà du mur ?
Et est ce que c'est une mauvaise chose ?
Oui et non
Oui parce que si on pensait que le débat en ligne était déjà trop polarisé je pense qu'on n'a encore rien vu.
Oui parce que si l'addiction aux réseaux sociaux était déjà un problème je pense qu'on n'a encore rien vu (à ce titre je vous recommande les très bons documentaires génération écran génération malade et derrière nos écrans de fumée qui datent mais sont toujours d'actualité).
Oui parce que c'est désespérant pour tous ceux qui ont passé des années à donner de leur temps sur ces plateforme pour remplir leur compte d'abonnés et s'assurer la visibilité nécessaire pour faire fonctionner leur entreprise (qu'ils soient créateurs, artisans ou influenceurs).
Et non parce que, et là je parle seulement en mon nom,...
La vie après l'influence
...je crois qu'en nous ôtant le privilège d'avoir tant d'abonnés on nous libère de ce travail constant qu'est le maintien d'une communauté.
Toutes ces stories quotidiennes qu'il faut faire pour maintenir le lien, pour montrer qu'on existe toujours, pour montrer aussi à l'algorithme qu'on fait bien notre travail, qu'on est là et qu'il ne faut pas nous "punir" parce qu'on ne joue pas le jeu.
Moi ça fait des années que j'en ai marre...
...parce que j'oscille entre des périodes où j'ai beaucoup envie de partager et d'autres où j'ai envie de rester dans mon coin : et je le paie !
...parce que j'ai envie de pouvoir parler de tout et pas seulement de maternité, sujet dans lequel Instagram semble m'avoir rangée (quand je parle politique, ma visibilité est 20.000 lieues sous les mers).
...parce que j'ai pas envie de faire systématiquement des putains de réels (qui a le temps en plus de tout ce qu'on doit déjà faire pour faire ami ami avec l'algorithme de préparer une vidéo, de se filmer, et de faire le montage ?).
Alors là devant ce qui arrive je sais que je peux ranger les armes et arrêter de me battre contre des moulins, la bataille des réseaux sociaux est perdue d'avance.
Avant je m'accrochais à ce que j'avais construit ces 18 dernières années en matière d'audience contre vents et marées, maintenant je vais me concentrer sur tout ce que ça m'a appris à faire.
Je sais que je peux changer de route sereinement sans risquer de regretter quoi que ce soit et prendre un petit chemin de traverse.
Petit chemin de traverse que j'ai déjà commencé à emprunter.
En privilégiant mon blog payant et sa centaine d’abonnées plutôt que mes 53k sur instagram : parce que je préfère mille fois passer du temps à écrire de longs articles qu'à produire du contenu kleenex sur Instagram.
En créant ma boutique des vilaines curiosités qui me plonge un peu dans de la recherche, et même si je suis loin d'en vivre ça me nourrit.
En retournant travailler un jour par semaine - avec une certaine liberté d'organisation - pour une entreprise en laquelle je crois (la chaîne d’actual play d’amis à moi : La Bonne Auberge) parce que je préfère apporter mes compétences aux autres que continuer à vivre d'un personal branding qui ne me correspond plus (j'ai changé mais on attend toujours de moi qu'elle soit celle qque j’étais).
Boule de cristal ?
Tout ça mûrit dans mon esprit depuis un moment et je vois des signaux à droite à gauche qui me montre que oui il y a une vie après l'influence.
Beaucoup d'entre nous sont dans le déni parce que c'est flippant de se dire que c'est bientôt vraiment fini...
...dans la forme qu'on connaît actuellement.
Personnellement, je pense que ce métier de créateur de contenu ne va pas vraiment disparaître mais muter.
De grandes audiences vers des plus petites confidentielles.
De contenus lifestyle très vaste vers des contenus ultra niche.
Du personal branding à l'anonymat derrière un projet.
Et que sortir de la toute puissance des réseaux sociaux pour investir d’autres canaux c’est flippant mais libérateur.
Et cette perspective me réjouit.
Plus de FOMO en vue quand je vais déserter Instagram pendant de longues semaines.
Je vais enfin pouvoir définitivement me débarrasser de cette addiction moi qui tente depuis des années de me défaire d’Instagram et qui suis contrainte d’y retourner régulièrement de peur de perdre mon audience et replonge fatalement.
Je suis loin d'être la seule concernée, si j'ai écrit cet article c'est après avoir lu un article sur le sujet dans le New York Times dont j'ai volé le titre.
Il parle d’une influenceuse qui a raccroché les gants malgré une immense audience pour aller travailler en tant que salarié.
Et son parcours croustillant (car non dénué de rebondissements) pour sortir de l’influence.
For more than a decade, social media has carried with it the implicit promise that with some combination of luck and incessant posting, a user with no connections, no experience, and sometimes no discernible skill can become rich and famous. In 2019, a Morning Consult report found that 54 percent of Gen Z and millennial Americans were interested in becoming influencers. (...)
But the dream — as report after report and tearful vlog after vlog has made clear — comes with its own costs. If social media has made audiences anxious, it’s driving creators to the brink.
"Pendant plus d'une décennie, les médias sociaux ont porté avec eux la promesse implicite qu'avec une bonne dose de chance et de publications incessantes, un utilisateur sans réseau, sans expérience et parfois sans compétence apparente pouvait devenir riche et célèbre. En 2019, un rapport de Morning Consult a révélé que 54 % des Américains de la génération Z et de la génération Y souhaitaient devenir des influenceurs. (...) Mais le rêve - comme de nombreux rapports et de vlog larmoyants l'ont montré - a un prix. Si les médias sociaux ont rendu ses consommateurs plus anxieux, ils ont carrément poussé les créateurs à un point de non retour."
Is There Life After Influencing? - The New York Times
Et ensuite ?
Je sens se profiler un mouvement de calme, de sobriété, de sincérité, de proximité, de sites restreints en accès et de petites communautés cachées en réaction à cette agitation et cette addiction toujours plus grande vers laquelle nous poussent tous les médias sociaux.
Une réponse profonde à la surenchère permanente qui s'arrange pas avec les comptes sans âme générés par des IA.
Moi en tous cas, je vais continuer à développer mes medium en dehors d’Instagram : ma newsletter, mon blog payant, mon ancien blog…
Et je recommande à tout le monde d’en faire de même.
Mes micro comptes sur Instagram qui m'apportent beaucoup d'inspiration vont continuer à vivre : @lepetitcottagebourguignon pour parler de ma maison - @lesvilainescuriosites et ma boutique - @merilmeliamne pour partager sur le GN pour le plaisir.
Mais ça ne sera plus jamais ma source numéro 1 de communication, c’est trop dangereux…
Mais comment ça se passe pour la monétisation de son travail qu’on soit influenceuse ou qu’on ait un petit business qui utilise Instagram ? On a lancé le sujet sur le chat ici avec les réponses marketing de Géraldine.
🐝✨ Eleonore
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Je n’ai encore pas lu, mais le titre de la newsletter et de l’article ont fait que je me suis de suite abonnée 😃😂
Paradoxalement, le format des reels permet aussi de mettre en avant de nouvelles voix, des gens plus « créateurs » qu’influenceur·ses. J’adore qu’entre deux vidéos de belettes on me propose carrément des minifilms emouvants (alloramomo <3), des sketchs de vulgarisation psycho/socio (Anna Akana) ou des cours de théologie avec des références à Game of thrones (miriam anzovin)